Entretiens avec Thibaut Morin, FabLab Manager

INTERVIEW DU 8 AVRIL 2020

  • Vous lancez la production de visières avec les outils du FabLab de Nanterre et d’Orléans, quelles machines utilisez-vous et avec quelle matière ?
  • Toutes nos imprimantes 3D FDM (dépôt de fil plastique) sont mobilisées pour imprimer avec du PLA. Même si les approvisionnements sont difficiles en ce moment, nous avons plusieurs bobines en stock. En plus, on utilise des couvertures de rapport transparentes pour compléter la visière. Les matériaux sont rares, on fait avec les moyens du bord.
  • Comment avez-vous reconfiguré votre FabLab pour créer cette chaîne de production ?
  • Toutes les machines du campus ont été rassemblées dans un seul de nos FabLabs pour tourner en parallèle. 15 machines sont à l’œuvre et sont toutes spécialement réglées pour produire ces visières avec un minimum de post-traitement après impression.
  • Quelle production pouvez-vous assurer par jour et jusqu’à quand ?
  • Aujourd’hui je peux produire entre 50 et 60 visières par jour et ce jusqu’à la fin de la semaine prochaine. Ensuite, nous verrons si nous arrivons à faire venir des matériaux.
  • Pour quel type d’entreprise produisez-vous ?
  • Deux lots de 30 ont déjà été expédiés. Un pour l’hôpital Georges Daumézon d’Orléans, un autre pour un laboratoire d’analyses médicales à Redon. Ensuite nous pouvons fournir d’autres professionnels de santé, mais aussi des commerçants, des institutions. En réalité, toutes les personnes en contact avec du public peuvent utiliser ces visières.
  • Etes-vous en mesure de produire d’autres éléments dans le cadre des mesures sanitaires ?
  • Aujourd’hui, on se concentre sur les visières puisque c’est un produit simple, utile à un très large public et peu intrusif en termes d’usage. Beaucoup d’initiatives fleurissent dans les communautés de makers et il est difficile de trouver le bon équilibre entre le besoin / la productivité / la qualification des éléments fabriqués et les réseaux de distribution. En réalité, si nous avons des demandes particulières pour d’autres productions, nous sommes en mesure de les étudier et d’y répondre de manière très réactive. Nous pourrions ainsi mobiliser d’autres types d’outils de production.
  • Quels enseignements tirez-vous de cette situation ?
  • Dans ce contexte d’urgence, c’est d’abord très satisfaisant de pouvoir transformer son métier habituel pour le mettre au service du plus grand nombre. Je remercie David Failly et Christophe Bourgognon qui mettent tout en œuvre pour accompagner cette production. Ensuite, on constate dans des situations comme celles-ci, que l’ouverture d’esprit et l’agilité que l’on utilise au quotidien dans nos enseignements sont des clés pour déployer des solutions rapidement. C’est un bel exemple de réorganisation, inspirant pour démontrer l’efficacité des certains outils ou méthodes.

INTERVIEW DU 16 AVRIL 2020

  • Le 8 avril nous nous rencontrions dans le cadre de la mise en place d’une chaîne de production de visières de protection sanitaire dans le FabLab du bâtiment pédagogique de CESI Nanterre. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
  • 400 visières de protection sanitaire ont été produites dont 250 livrées sur un total de 650 demandes. 200 visières supplémentaires seront produites pour les besoins propres des salariés de CESI.
  • Quelle logistique avez-vous mise en place pour y parvenir ?
  • 15 machines tournent en parallèle, 4 Ultimaker 2+, 4 Ultimaker 3 et 7 creality CR20Pro. Comme je ne peux accéder au FabLab que de 9h à 16h, 4 machines sont installées chez moi pour assurer une plus grande plage de production. Depuis le lancement, 700 heures d’impression sont passées et j’ai utilisé un peu plus de 8 kilos de PLA, le filament plastique.
  • Aurez-vous suffisamment de matières premières pour assurer d’autres demandes ?
  • Avec m’accord de David Failly Directeur de la région Ile-de-France/Centre-Val de Loire, j’ai passé une nouvelle commande dont la livraison est attendue pour la semaine prochaine. Le fournisseur TAG in 3D qui soutien notre initiative nous offre 2 kilos de matière première.
  • Les visières de protection sanitaire sont les seuls éléments que vous pouvez produire dans le cadre de l’épidémie ?
  • Il a été observé que le port prolongé de masques chirurgicaux blesse les oreilles. Je travaille sur un second type d’impression pour un petit accessoire qui permettra d’éviter ces excoriations.

INTERVIEW DU 28 AVRIL 2020

  • Nous nous sommes rencontrés les 8 et 16 avril. Aujourd’hui est-ce que la production continue et dans quelles conditions ?
  • La production continue et plus de 1200 pièces ont été distribuées. Comme je suis en vacances, une partie du parc machine est maintenant installée à domicile. Ce sont neuf machine qui tournent dans mon atelier pour répondre aux demandes nombreuses.
  • Dans le cadre de cette production, qu’avez-vous observé avec l’évolution dans le temps du confinement ?
  • Le déconfinement approche… et cela se ressent sur les demandes. Au-delà des services médicaux, des demandes d’entreprises et de partenaires affluent pour préparer la reprise… Tous ont pour objectif de protéger salariés et clients pour reprendre leur activité dans de bonnes conditions.
  • Le 16 avril vous aviez en projet de produire un accessoire pour rendre plus confortable le port des masques, qu’en est-il ?
  • C’est chose faite ! Malheureusement en quantité limitée puisque j’ai travaillé sur un modèle découpable au laser et les matériaux pour cette application sont devenus très rares. 120 pièces ont été produites en une heure et sont distribués au personnel soignant.
  • Est-ce que la fourniture de matières premières reste possible et dans quelles conditions ?
  • La matière première pour l’impression 3D reste disponible même s’il faut être patient et jongler avec plusieurs fournisseurs. Par contre, il y a une grosse pénurie européenne de PETG et de plexiglass, matériaux très utilisés pour les visières à la découpe laser mais aussi pour tous les écrans de protections qui fleurissent dans les commerces…

BILAN LE 13 MAI 2020

Depuis le lancement de cette production se sont 1 900 pièces produites sur 1 900 demandes, totalisant 3 800 heures d’impression, utilisant plus de 40 kg de matière première pour fournir les personnels soignants et personnes en contact avec le public :

ARTS IdF, l’Association des Commerçants de Nanterre Centre-Ville, le collège de Vernon (27), l’EHPAD du Chesnay (78) et celui de La-Chapelle-Saint-Mesmin (45), Erisay Réceptions, plusieurs hôpitaux dont l’hôpital Georges Daumézon à Orléans et l’hôpital Stell de Rueil-Malmaison, INSERM Paris-Descartes, plusieurs centres médicaux dont le  Centre Covid-19 à Houilles, les services médiaux de la ville de Bagnolet, MEDIPOLE Nanterre ainsi que plusieurs médecins et professions libérales sur Nanterre, le laboratoire de Redon (27), l’Ecole Régionale du Travail Social d’Orléans, les services de la ville de Rueil-Malmaison, SEGPP, TP COM, SAFETYKLEEN France, Mathieu Nouvier BTP, NMSA, une association pour personnes âgées malentendantes, les écoles maternelles et primaires de Nanterre ainsi que son centre de loisirs…etc.

Des visières sont disponibles pour les salariés CESI des campus de Nanterre et Orléans ainsi que la Direction générale de CESI. Nous allons aussi produire pour les partenaires de l’école d’ingénieurs de Nanterre dans le cadre du CEFIPA.